COPYRIGHTS L’OBS – Des actionnaires du géant français du numérique en appellent au gendarme de la Bourse pour réclamer davantage de transparence dans une cession que certains qualifient de « scandale financier ».
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La pilule ne passe définitivement pas chez les actionnaires d’Atos. Alors que la direction du géant français du numérique a annoncé cet été scinder le groupe en deux entreprises, dont l’une sera vendue au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, les manœuvres se multiplient pour tenter de bloquer l’affaire. Dernier épisode en date : un groupement de petits actionnaires, l’Udaac, vient d’effectuer un signalement à l’Autorité des Marchés financiers (AMF).
« Nous souhaitons attirer l’attention de l’AMF sur la nécessité d’ouvrir une enquête du fait de la gravité des multiples manquements, par Atos et ses dirigeants », tonne cette Union des Actionnaires d’Atos constructifs (auparavant « en colère »), dans un courrier que « l’Obs » a consulté.
« Il est extrêmement préoccupant qu’Atos poursuive la mise en œuvre d’opérations majeures pour son avenir sans dire mot au marché de leurs modalités concrètes, ni de leur impact estimé sur les activités pour les prochaines années. A l’évidence, ses dirigeants et administrateurs agissent aujourd’hui avec un sentiment d’impunité totale vis-à-vis de la réglementation financière qui leur est applicable. »
La semaine dernière, l’Udaac avait écrit directement à la direction d’Atos – une lettre que « l’Obs » a consultée –, pointant sa « faute en refusant de faire un avertissement sur ses résultats [financiers] ». Toute société cotée en Bourse se doit d’avertir les actionnaires en amont de la publication de ses résultats trimestriels si ceux-ci s’annoncent moins bons qu’attendu (on parle de « profit warning »). Ce que n’a pas fait Atos fin juillet, avant la publication de mauvais comptes pour le premier trimestre, automatiquement traduits par un plongeon du cours de Bourse de plus de 20 % le jour même, et d’environ 50 % une semaine après. En somme : certains actionnaires ont perdu gros, et l’Udaac accuse la direction d’avoir manqué à ses obligations.
A cette entorse originelle, s’ajoutent les modalités « imprécises » de la cession à Daniel Kretinsky. En effet, difficile de saisir la cryptique communication de l’annonce de la vente, concentrée sur la valorisation à venir de ce que rachète le Tchèque. Seul un document interne à la direction, consulté par « l’Obs », a permis de comprendre que l’opération « pourrait avoir un impact net positif sur la trésorerie de 0,1 milliard d’euros ». Dans « la Tribune », le président du conseil d’administration d’Atos, Bertrand Meunier, balaye les critiques :
« L’opération envisagée est certes complexe, mais la communication d’Atos est claire, même s’il reste un certain nombre de points qui doivent encore être négociés et finalisés. Toutes les informations seront mises à la disposition des actionnaires en amont de l’assemblée générale et précisées en particulier dans le cadre d’une journée investisseurs. »
Cette journée d’information doit avoir lieu en novembre. Toutefois, elle doit surtout être l’occasion d’acter définitivement la vente à Daniel Kretinsky, non soumise au vote des actionnaires. D’après les informations recueillies par « l’Obs », le contrat de cession à Daniel Kretinsky vient d’être finalisé. Trop tard donc pour l’Udaac, qui s’en remet à l’AMF pour imposer de la clarté.
Une note adressée à l’Elysée
Surtout que le deal avec le Tchèque prévoirait, d’après une source bien au fait des négociations, de « laisser un milliard d’euros dans les caisses » de l’entité rachetée. Une bonne affaire pour Daniel Kretinsky, qui mettrait la main sur un acteur français reconnu (avec ses clients, ses brevets, la marque Atos, etc.) pour une bouchée de pain. « C’est un scandale financier, et les autorités devraient vraiment s’en saisir ! » clame un analyste, bien informé du dossier.
Plus récemment, c’est l’ancien administrateur du Commissariat à l’Energie atomique (CEA), Daniel Verwaerde, qui a adressé une note à l’Elysée l’incitant à envisager un « plan de sauvetage d’Atos alternatif », a révélé « Challenges ». Officiellement, Atos est une entreprise privée et l’Etat n’a pas son mot à dire sur sa gestion ; officieusement, Bercy a bien été « tenu au courant des discussions ». Mais les voix dissonantes ont été rembarrées d’un : « L’affaire est gérée en haut lieu » – comprendre, par Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, très proche d’Emmanuel Macron (les deux ont d’ailleurs récemment rencontré Kretinsky).
Par Boris Manenti
https://www.nouvelobs.com/economie/20230920.OBS78422/atos-l-autorite-des-marches-financiers-saisie-sur-la-vente-a-daniel-kretinsky.html
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