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Nous incitons nos lecteurs à acheter le numéro de Challenges de ce jeudi en remerciement au travail des journalistes. Mais nous n’avons pas pu résister à l’envie de le mettre en ligne car c’est un article pour lequel nous attribuons une Reco-blog+++ car pour la première fois des journalistes font un travail d’investigation sur la personnalité de Bertrand Meunier et nous le classons dans le top 3 des meilleurs articles sur Bertrand Meunier et Atos.
L’article est assez sombre sur la personnalité de Bertrand Meunier tout en restant objectif et en trouvant 2/3 qualités à Bertrand Meunier notamment sur 2/3 deals réussi avec PAI. Néanmoins, le portrait et recoupe ce que l’on m’ont dit des personnes qui l’ont côtoyé dans des boards. Attitude condescendante, cherchant en permanence le rapport de force.
On notera au passage la croustillante anecdote d’un Meunier étonné que Monsieur le Premier Ministre vienne le rencontrer sans CV… No comments.
PORTRAIT – Politiques, industriels, petits actionnaires, et jusqu’au cœur de l’entreprise: les voix se multiplient contre la décision du président du groupe informatique Bertrand Meunier de revendre une partie de ses activités au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.
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Il ne tient pas les journalistes en haute estime, mais ses conseillers en communication l’ont convaincu d’accepter la rencontre. Sur la défensive, Bertrand Meunier a le sentiment de se battre contre la terre entière. L’impression que “tout valse”. Car rien ne va plus depuis le conseil d’administration d’Atos du 31 juillet et sa décision de couper en deux le groupe. Tech Foundations et son activité d’infogérance, l’enfant malade, doit être cédé à l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, qui obtient également 7,5% d’Eviden, la seconde moitié d’Atos regroupant les métiers les plus sensibles et les plus rentables : le digital, le cloud, le big data et la cybersécurité.
Le président d’Atos ne s’attendait pas à ce que l’annonce suscite une telle levée de boucliers dans les milieux politiques. Début août, ce sont 80 sénateurs et députés LR qui ouvrent les hostilités avec une tribune dans Le Figaro, où ils expriment leur inquiétude à propos de cette cession qui “menace la souveraineté nucléaire française”. Les équipes de Daniel Kretinsky tentent depuis de calmer les esprits en assurant qu’il pourrait renoncer aux 7,5% du capital d’Eviden. Mais le débat est lancé. Le président du groupe LR à l’Assemblée nationale Olivier Marleix enchaîne avec une demande de nationalisation temporaire d’Atos. “Avec cette histoire, la droite essaie de se faire Macron”, assure-t-on dans l’entourage de Bertrand Meunier.
L’argument fait mouche également dans les milieux industriels. Dans une note destinée à l’Elysée et dévoilée par Challenges, l’ex-administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) Daniel Verwaerde – aussi administrateur de CS Group présidé par Yazid Sabeg, un homme d’affaires intéressé par le dossier Atos – exprime son inquiétude et appelle l’Etat à “marquer son désaccord de toute urgence” sur la cession de Tech Foundations à Daniel Kretinsky, et conseille un “plan alternatif préservant l’intégrité de l’entreprise” avec un pacte d’actionnaires 100% français et même une participation de l’Etat. Une hypothèse à laquelle le ministère des Armées ne serait pas hostile, mais qui fait beaucoup moins l’unanimité à Bercy. Le secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler s’est finalement emparé du sujet en direct.
Atos, un véritable feuilleton politico-industriel
Dans un bel ensemble, les petits actionnaires sont eux aussi montés au créneau et ont saisi l’Autorité des marchés financiers (AMF), tandis qu’à l’intérieur du groupe, l’angoisse monte. “La plupart des cadres les plus brillants sont partis, déplore Olivier Debroise, coordinateur CFE-CGC d’Atos France. La marque Atos est très abîmée, on peine à recruter, le turnover est très élevé, les clients sont inquiets. C’est un cercle vicieux, dont on ne voit pas la porte de sortie”. Mais pour un ex-cadre du groupe, le vrai sujet est ailleurs : “Le deal passé par Bertrand Meunier avec Daniel Kretinsky fragilise dangereusement Eviden, obligé d’apporter 1 milliard d’euros à Tech Foundations et qui sera très vite en cessation de paiements”.
Bertrand Meunier s’agace : “Les décisions du conseil d’administration ont toujours été prises afin de préserver la souveraineté nationale et, à la 23e heure, on nous attaque au nom de la souveraineté”. Il espère une assemblée générale fin octobre ou début novembre pour valider la scission. Il n’a rien contre une nationalisation partielle d’Atos et aimerait que l’Etat bouge un peu plus, “mais nous n’avons plus le temps et nos concours bancaires arrivent à échéance fin 2024”, martèle-t-il. Un accord a été trouvé avec les banques BNP Paribas et JP Morgan, pour autant que la scission se fasse. Et voilà comment, en quelques mois, Bertrand Meunier, 67 ans, se retrouve au cœur de l’un des feuilletons politico-industriels les plus agités de ces dernières années.
L’homme navigue depuis longtemps dans le monde français des affaires. Avec Atos, le lien remonte à 2008, quand il était le numéro deux de Paribas Affaires Industriels (PAI), alors dirigé par Dominique Mégret. Mais il était moteur. Et cette place d’homme de l’ombre lui allait très bien, assure un banquier : “Il considère comme une faiblesse d’être sur scène, de se raconter.” A son actif, quelques coups spectaculaires comme la vente de Vivarte, en 2006, à Charterhouse, pour 3,5 milliards d’euros. Ou le LBO (rachat par effet de levier) de l’activité d’épicerie de Danone en 1997. “C’est l’un des meilleurs investisseurs en Europe, tranche un ancien associé. Il ne pense jamais comme les autres et il n’est pas du tout intimidé de défendre son avis seul contre tous”.
L’héritier de Thierry Breton?
En 2008, à la veille du cataclysme financier planétaire, il tente un nouveau pari : Atos, numéro deux français des services numériques. PAI vient de prendre 20% du capital et il lui faut un timonier. Lionel Zinsou, arrivé de Rothschild pour l’épauler, suggère Thierry Breton, l’ex-ministre de l’Economie, exilé à Harvard après l’élection de Nicolas Sarkozy. La mayonnaise prend très vite entre Bertrand Meunier, administrateur du groupe, et Thierry Breton, son nouveau patron. Les deux hommes fréquentent les mêmes cercles et se respectent. Et ce lien subsistera malgré la crise qui va enflammer PAI Partners début 2009. Un épisode qui résonne étrangement avec les convulsions actuelles d’Atos. Le management du fonds se divise sur l’ampleur de la crise financière. Certains, comme Lionel Zinsou, estiment publiquement que la crise est en train de se terminer. Bertrand Meunier pense au contraire qu’elle va durer et que PAI doit liquider ses positions et obliger les banques à prendre leurs pertes.
Parmi ses collaborateurs, certains lui suggèrent d’acheter en masse des actions Atos, dont le cours est tombé à 13 euros, alors que PAI les avaient acquises 35 euros. Mais il balaie l’idée rageusement. “C’est quelqu’un d’extrêmement anxieux et il peut somatiser cette anxiété, devenir très pessimiste, observe un banquier. Cela peut altérer son jugement et a fini par nous brouiller avec les acteurs importants”.
Bertrand Meunier entre alors en opposition frontale avec les banques et notamment BNP Paribas, la plus grande banque de crédit de la zone euro et le premier investisseur dans PAI. “Nous nous sommes retrouvés comme des parias alors que nous étions les leaders du LBO en Europe”, témoigne un ancien du fonds. La tension est à son paroxysme en juin 2009, avec l’affaire Monier, du nom du fabricant de tuiles dont le LBO se termine par une perte sèche de 256 millions pour PAI.
Après cette déroute, une majorité du management obtient la démission de Dominique Mégret et de Bertrand Meunier début août. Ce dernier déclenche une guerre de trois mois pour être réintégré. En vain. Mais il récupérera tout de même un chèque de près de 20 millions d’euros en échange de ses parts du capital de PAI. Thierry Breton lui propose aussi de rester au conseil d’Atos comme administrateur indépendant.
Et même en 2012, lorsque le fonds CVC Capital Partners le recrute comme managing partner, sa place au board est maintenue. “C’était pour lui une belle revanche, mais il a dû faire sa mutation, raconte un banquier. Lui l’anglophobe, qui avait quelques problèmes avec l’expression anglaise, a dû quitter son somptueux appartement du Champs-de-Mars pour s’installer à Londres”.
Quoi qu’il en soit, Bertrand Meunier reste actif au conseil d’Atos. Pendant une dizaine d’années, il y occupera différentes fonctions, mais jamais à la tête du comité d’audit, martèle-t-il, comme si la ligne suivie par l’ancien patron ne pouvait en rien lui être imputable. Pourtant, quand il prend les rênes de l’entreprise début 2009, Thierry Breton met en place une stratégie qui doit satisfaire le spécialiste du capital-investissement : grossir à tout prix. En 2011, il rachète à Siemens sa branche IT Solutions and Services. Puis la branche informatique de Xerox, en 2014, pour percer aux Etats-Unis. Et la même année, il met la main sur Bull et ses supercalculateurs, une entreprise qu’il connaît bien, pour l’avoir dirigée dans les années 90.
Une emprise psychologique sur son entourage
“Atos est la seule société européenne à offrir des solutions souveraines intégrées”, martèle aujourd’hui Bertrand Meunier. Bull, juge-t-il, était la seule acquisition “courageuse” de l’ancien patron. Mais il peste contre la “petite musique” jouée selon lui par Thierry Breton : “Quand j’étais là tout allait bien”. Et c’est vrai que l’ancien ministre de l’Economie a fait le job : végétant autour des 13 euros lors de son arrivée, l’action a passé la barre des 100 euros fin 2017, à son apogée.
“Mais Thierry Breton a fait deux erreurs majeures, analyse un grand patron français : il n’a pas vu venir la vague du cloud sur laquelle commençait à surfer Amazon ou Google, continuant même à acheter de l’infogérance; et il n’a pas réalisé l’offshoring des activités informatiques en Inde, comme l’a fait Capgemini”. Il était persuadé que les grands groupes français n’accepteraient jamais d’héberger leurs données sur les serveurs des géants américains d’Internet. Fatale erreur. “Mais Bertrand Meunier était au board, tout ce temps-là, poursuit le grand patron. Ces erreurs, il les a largement validées”.
Lorsqu’il quitte Atos pour rejoindre la Commission européenne, fin 2019, Thierry Breton place ses hommes de confiance au sommet du groupe. Elie Girard, directeur financier, prend la direction générale, tandis que Bertrand Meunier est poussé à la présidence du conseil d’administration. Ce dernier n’était pas forcément volontaire, mais il prend son rôle très au sérieux. Et son naturel cassant et autoritaire prend le dessus. “En tête à tête, il écoute, témoigne un ancien collaborateur, mais il ne supporte pas d’être contredit devant des tiers et exerce une emprise psychologique inflexible sur son entourage.” Chez PAI, ses scènes de colère étaient devenues légendaires. Il est parvenu à exercer la même pression sur les administrateurs d’Atos. “A part René Proglio, personne n’a eu une réaction d’honneur, en remettant en cause Meunier, observe un bon connaisseur du groupe. Ils ont été totalement transparents”.
Bertrand Meunier ne veut pas laisser tomber
En déplacement en Chine, René Proglio brillait par son absence du conseil décisif du 31 juillet dernier. Selon certaines sources, Bertrand Meunier en aurait choisi la date en sachant que son opposant ne serait pas présent. Après avoir quitté Matignon, Edouard Philippe a aussi fait un passage de trois ans au conseil d’Atos mais a préféré s’éclipser au printemps dernier. Sa première rencontre avec le président du groupe avait été épique : ce dernier l’avait reçu sur la recommandation, notamment, d’Alain Minc et, au fil de l’entretien, il s’était étonné que son visiteur ne lui ait pas remis de CV. Peu après, il recevait le document spécialement rédigé à la main.
Bertrand Meunier est loin d’être à cheval sur les règles de gouvernance. Après le départ d’Elie Girard, en désaccord sur le projet de scission, il est allé chercher Rodolphe Belmer et l’a imposé au board, en octobre 2021, sans réunir le comité des nominations, assure un bon connaisseur du groupe. Un an plus tard, le nouveau boss s’envole pour TF1 et ne sera pas remplacé. La situation est de plus en plus confuse pour les négociateurs de Daniel Kretinsky qui ont entamé les discussions dès juillet 2022 : “Il n’y avait pas de leader clair, nous avions l’impression qu’il cherchait à gagner du temps”, raconte l’un d’eux.
La nouvelle gouvernance d’Atos – qui a encore été remaniée récemment avec l’éviction de Jean-Philippe Poirault qui dirigeait Atos BDS, l’arrivée d’Yves Bernaert, ex-accenture Technology, à la direction d’Eviden qui remplace Philippe Oliva également sur le départ – laisse pantois nombre d’observateurs. Emmanuel Faber (Danone) ou Virginie Morgon (Eurazeo) ont été remerciés pour moins que ça, souffle un banquier. “Bertrand Meunier reste en place parce que personne d’autre ne veut y aller, décrypte un ex-cadre du groupe. Il a 500 millions sur son compte en banque, mais il ne veut pas laisser tomber, même s’il en a marre, c’est pour lui une question de principe”. Il est parfois tenté de tout envoyer balader. “La violence des attaques est dure à supporter, confie-t-il, mais j’essaie de faire au mieux mon boulot de capitaine en menant la société à bon port”. Alors il reste.
Gilles Fontaine, Vincent Lamigeon et Régis Soubrouillard
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