Atos : Une vente à la découpe au mépris des intérêts stratégiques de la France (VALEURS ACTUELLES)

Négociée discrètement au cœur de l’été, la vente de l’ex-champion français de services numériques au Tchèque Daniel Kretínský suscite l’émoi dans les milieux politiques et militaires. Une vente à la découpe au mépris de nos intérêts stratégiques.

C’est une bien étrange affaire où se croisent des industriels, la fine fleur du Cac 40, des conseillers au “Château”, des “faiseurs de roi”, des fonds d’investissement, des cabinets de stratégie, un ancien Premier ministre, des officines de renseignements et des proches du milieu de la défense. Une histoire dont seule la France a le secret et où beaucoup d’intervenants préfèrent parler en off. Sans doute parce qu’il est question de perte de souveraineté nationale. « On se bat, mais cette affaire est effrayante », nous explique un proche de ce dossier devenu très politique. “Effrayante”, le mot est faible : des activités stratégiques d’Atos, dont certaines concernent des calculs de simulation d’essais nucléaires, la dissuasion française, pourraient – sans que l’Élysée s’en émeuve officiellement – tomber dans les mains d’un groupe étranger.

Il s’agit du fonds EPEI (EP Equity Investment) qui appartient au milliardaire tchèque Daniel Kretínský. Le même qui, depuis cinq ans, fait librement ses emplettes en France. Ou plutôt « à qui notre pays déroule le tapis rouge, comme à Versailles en mai dernier », estime Olivier Marleix, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, très en pointe sur le sujet de la souveraineté. Lors du dîner officiel du sommet Choose France, à l’Orangerie du château de Versailles, l’homme d’affaires était assis à la droite de Brigitte Macron et faisait face au président de la République.

En France, le Tchèque est aujourd’hui présent dans les médias : son holding CMI (Czech Media Invest) est le deuxième éditeur français de presse magazine en diffusion, propriétaire d’ElleTélé 7 joursMarianne… Il finance Libération et détenait jusqu’à la semaine dernière 49 % du Nouveau Monde, le holding de Matthieu Pigasse propriétaire du groupe de presse du Monde (lire page 48) . En juin, une filiale du groupe tchèque, mettait la main sur le groupe Editis, numéro deux français de l’édition fort de 54 maisons, propriété de Vivendi.

​Jusqu’en 2019, Atos était considéré comme “la” pépite informatique de l’Hexagone

Ce touche-à-tout s’intéresse au secteur de la distribution : il contrôlera bientôt le groupe Casino après s’être invité au capital de Fnac Darty dont il possède le quart. Via son holding énergétique EPH (Energetický a průmyslový), il possède les centrales à charbon de Saint-Avold et de Gardanne en France. Et aujourd’hui il s’intéresse aux nouvelles technologies et plus précisément à Atos, ce dossier dans lequel surinterprétation rivalise avec crainte réelle de perte de souveraineté. « On rentre, ici, dans le grand triangle des Bermudes des affaires industrielles françaises » , considère un financier.

Jusqu’en 2019, ce groupe était considéré comme “la” pépite informatique de l’Hexagone. Thierry Breton, qui avait été ministre de l’Économie de 2005 à 2007, ne l’a-t-il remodelé pour le propulser dans le top 5 des SSII européennes ou, du moins, vendu comme tel aux marchés financiers ? Ce devait être l’as des as français des technologies à forte valeur ajoutée aux ambitions mondiales.

« C’est important d’être le numéro un », expliquait-il alors. Pendant dix ans, de 2009 à 2019, celui qui est devenu par la suite commissaire européen après avoir confié les rênes de l’entreprise à Bertrand Meunier a multiplié les acquisitions, dont deux importantes, celles de Siemens IT et de Xerox ITO, mais surtout celle, très stratégique, de Bull, le champion des supercalculateurs, en 2014. « Une entreprise financée par l’État et les contribuables, héritière de l’aventure débutée dans les années 1960 avec la volonté du général de Gaulle de doter la France de capacités de calcul, lui permettant de simuler des explosions nucléaires », rappelle Olivier Marleix.

​À partir de 2021, les pertes s’enchaînent

S’il a fallu dix ans pour qu’Atos double de taille et que son cours de Bourse soit multiplié par huit, quatre ans ont suffi pour que les actionnaires perdent 90 % de leur investissement. Sans doute, le groupe avait-il grossi trop rapidement sans se remettre en cause et s’adapter à l’évolution du secteur, notamment dans le cloud « Le groupe a eu les yeux plus gros que le ventre, a fait beaucoup trop d’acquisitions coûteuses, résume un consultant dans le high-tech . Atos devait se réorganiser mais le marché a perdu confiance, d’où son effondrement. »

Un ancien cadre dirigeant d’Atos est un peu plus “cash” : « La capacité de Thierry Breton à communiquer a masqué la réalité du désastre financier : il a caché la poussière sous le tapis et a espéré que les acquisitions lui permettraient de sortir la tête hors de l’eau alors qu’il fallait baisser les coûts de manière importante… »

À partir de 2021, les pertes s’enchaînent, liées à des dépréciations passées pour recentrer l’entreprise sur des activités à forte croissance tandis que des problèmes aux États-Unis ont provoqué le départ du directeur général Élie Girard, remplacé par Rodolphe Belmer, venu d’Eutelsat. Il reste à peine sept mois à la tête d’Atos en raison de divergences stratégiques avec le conseil d’administration et, officiellement, d’un changement de nature de son poste, qui serait devenu, selon les dires de Rodolphe Belmer, « superflu ».

Métiers à faibles marges d’un côté et à fortes marges de l’autre

​Pour sauver Atos, Bertrand Meunier, polytechnicien passé par PAI Partners (ex-Par iba s A ffaires industrielles, le fonds d’investissement de Paribas), un pro des opérations en haut de bilan (qui a refusé de répondre à nos questions), dévoile en octobre 2022 le plan Boost, un projet de scission de l’entreprise avec d’un côté, l’infogérance, le métier historique à faible marge promis à une inéluctable restructuration, logée dans Tech Foundations, et de l’autre, les activités digitales, cloud , big data et cyber, à fortes marges, au sein d’Evidian. C’est la pépite. Cette opération aurait été conseillée par les cabinets Finexsi et BTSG. McKinsey, « connu pour ses programmes de réduction des coûts et non pour son innovation », comme l’explique la CGT Atos Bull en décembre 2022, serait intervenu sur la partie restructuration.

« C’est gravissime : qu’on arrête de nous vendre l’histoire de groupes indépendants, s’énerve un proche du milieu de la défense . Infogérance, cyber, calculs… : toutes les activités sont étroitement imbriquées les unes dans les autres et répondent à une demande globale des clients. » Olivier Marleix constate et s’emporte : « Il est insupportable de voir dans cette affaire les mêmes banques d’affaires et une cohorte de conseils et de communicants proposer des schémas de découpe dans lesquels ils se partagent quelques centaines de millions d’euros de commissions. On retrouve d’ailleurs presque tous les acteurs de la vente d’Alstom à GE. »

Cédric Perrin, sénateur du Territoire de Belfort et signataire, avec 80 collègues parlementaires, d’une tribune dans le Figaro intitulée « Cessons de vendre nos fleurons les plus stratégiques à des puissances étrangères » , confirme : « Ce dossier est une affaire de gros sous ; il attire des personnes qui vendraient la tour Eiffel ou l’Arc de triomphe contre de l’argent. »

Une crainte réelle du milieu militaire à Balard

En septembre 2022, la SSII française Onepoint, associée au fonds britannique ICG, offre 4,2 milliards d’euros pour s’emparer d’Evidian. « Atos n’est pas une société où tout est rose sous le soleil, notre offre permet de stopper l’hémorragie », explique son président David Layani. Le conseil d’administration d’Atos lui ferme la porte : la proposition « n’est pas dans l’intérêt de la société et des parties prenantes » . Les géants de l’électronique et de défense sont aussi à l’affût. Mais Thales se fait doubler par Airbus : en février 2023, Atos annonce entrer en discussion pour laisser le groupe européen monter à hauteur de 29,9 % au capital d’Evidian ; un mois plus tard, Airbus jette l’éponge, officiellement pour un problème de prix mais la raison serait autre : selon La Lettre A, la DGA (Direction générale de l’armement), par la voix de son patron, Emmanuel Chiva, aurait mis son veto à cette opération qui aurait fait entrer un actionnaire franco- allemand, « au motif qu’il y va des intérêts supérieurs de la France, et de la protection des secrets industriels autour du système de combat aérien du futur (Scaf) , explique la newsletter. Mais surtout, il s’agissait de garder l’avionneur à distance des HPC, les supercalculateurs d’Atos, parmi les plus puissants du monde ».

Ceux qui sont justement utilisés pour simuler les essais nucléaires, élément clé de la défense nationale. Ceux aussi indispensables pour la recherche en intelligence artificielle et pour l’informatique quantique. Mais ceux également sur lesquels “tourne” le Digital Battle Management System, élément constitutif du système d’information du programme Scorpion, dans le cadre de la modernisation des capacités de combat au contact de l’armée de terre. Enfin, ceux qui gèrent l’infostructure du ministère des Armées (dans une coentreprise créée avec Thales). Autant dire que le dossier Atos serait suivi (ou devrait l’être) au plus haut niveau, directement à l’Élysée, a priori par son secrétaire général Alexis Kohler – que nous avons contacté plusieurs fois sans obtenir une réponse de sa part. Ainsi qu’au ministère des Armées, qui reste tout aussi muet, malgré des demandes d’information de tiers : « En octobre, nous avons envoyé une lettre au ministre Lecornu pour l’alerter sur le risque de voir partir des secrets défense et nous attendons toujours une réponse de sa part » , nous indique une source. Des informations feraient toutefois état d’une crainte réelle du milieu militaire à Balard.

On relèvera au passage, l’aller-retour d’Édouard Philippe présent au conseil d’administration d’Atos, en tant qu’administrateur indépendant, entre septembre 2020 et en mai 2023. « Il est arrivé alors que le cours valait environ 70 euros ; il a quitté le conseil alors que le cours était tombé à 7 euros, explique un industriel. J’éviterais de le recommander comme administrateur. »

La surprise est venue d’un coup de billard à plusieurs bandes

​En fait, la surprise n’est pas venue de là où on l’attendait, mais d’un coup de billard à plusieurs bandes. Le 1er août 2023, en plein cœur de l’été, Atos annonce qu’il vend Tech Foundations à EP Equity Investment de Daniel Kretínský sur la base d’une valeur de 2 milliards d’euros, dont une reprise de dette de 1,9 milliard (donc l’homme d’affaires tchèque mettra 100 millions sur la table). Le scénario se répète à chaque fois : Kretínský fait part de son intérêt pour une entreprise (fin février pour Atos) et patiente quelques mois le temps que le cours s’effondre de moitié. À la suite de cette transaction, Atos sera renommé Eviden.

Le diable se nichant dans le détail, on s’aperçoit aussi qu’il est prévu l’entrée de EPEI au capital d’Eviden, à hauteur de 7,5 %, une proposition faite par Bertrand Meunier. « Le loup est désormais dans la bergerie », considère Cédric Perrin. Daniel Kretínský sera, certes, minoritaire, mais il deviendra le premier actionnaire d’Eviden. « Il est ainsi devenu possible, en théorie, d’accéder aux capacités de calcul stratégiques de la France au travers d’une porte dérobée : celle d’une OPA à faible coût » , ajoutaient les signataires de la tribune du Figaro« Il n’aura évidemment ni le contrôle de l’entreprise ni accès à des informations classifiées en matière de défense » lui répond Bertrand Meunier dans un entretien accordé à la Tribune.

« Dans cette affaire, on nous a vendu l’éternelle histoire de la partie rentable stratégique face à celle non rentable avec trop d’acteurs économiques, enrage le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée. Macron a déjà laissé passer Alcatel, notre équipementier télécoms, sous pavillon finlandais, maintenant Atos… que reste-t-il de la start-up nation ? » Pour sauver le groupe, il propose une nationalisation temporaire, le temps de trouver des actionnaires souverains. Il rappelle qu’Emmanuel Macron l’a déjà fait dans le passé, lors de la tentative d’achat avortée, en 2018, des chantiers navals STX de Saint-Nazaire par l’italien Fincantieri (dossier où l’on retrouve le nom d’Alexis Kohler) : « Je n’en veux pas aux actionnaires privés d’acheter ; c’est l’État qui manque à sa mission de rechercher une solution plus favorable à ses intérêts nationaux. » On entend la même critique à l’égard d’Atos qui n’aurait pas regardé des offres alternatives : « Meunier prétend qu’il n’y en a pas eu, c’est faux ! Elles n’ont même pas été étudiées » , rétorque Cédric Perrin. Il existerait, en effet, deux propositions, une émanant d’un consortium, Astek, qui pourrait mobiliser 1,4 milliard d’euros, et une autre venant de Yazid Sabeg, épaulé par un fonds émirati. « Or on sait que derrière les Émiratis, il y a souvent les Américains » , précise un spécialiste des affaires de défense.

Une source glisse : « Le dossier est traité directement par le président de la République . C’est pour cela que ni Kohler ni Lecornu ne parlent de ce dossier à la presse. » Et de soupçonner : « S’agit-il d’une énorme affaire de corruption au sommet de l’État ? » Un consultant s’interroge aussi : « Je suis comme vous, très surpris, je ne sais pas pourquoi l’Élysée ne bouge pas, mais je connais déjà sa réponse : si c’est une affaire privée et s’il y a danger, on protégera. Mais en réalité, Bercy ne protège rien. » Pour preuve, dans sa dernière étude sur nos entreprises stratégiques vendues à des concurrents étrangers, Augustin de Colnet rappelle les sociétés passées sous pavillon étranger : Exxelia, Gemplus, Alcatel Submarine, Souriau, Technip, Ingenico, Alstom Energie, Latécoère…

Les actionnaires minoritaires lancent l’offensive

À défaut de l’Élysée, la contre-attaque viendra-t-elle de quelques actionnaires d’Atos, particulièrement virulents et ulcérés par le démantèlement et ses conséquences ? Cette opération devra préalablement être soumise au vote des actionnaires. Une première alerte est venue fin juin des actionnaires présents lors de l’assemblée générale du groupe informatique. Appelés par le fonds Sycomore, actionnaire minoritaire, à voter pour la révocation de Bertrand Meunier de la présidence de l’entreprise, ils ont été 33 % à l’approuver au terme d’une réunion très agitée.

Voilà maintenant qu’un nouvel actionnaire avec 1 % du capital, le fonds Alix AM dont le siège est à Singapour, dénonce, dans une lettre envoyée le 16 septembre à la direction du groupe, une destruction de valeurs qui « ne peut s’expliquer que par des fautes de gestion commises par M. Meunier, dans le cadre de décisions qu’il a prises, qui ont été exécutées par une équipe de direction qu’il a installée, et qui ont été validées par vous tous, membres du conseil d’administration présidé par M. Meunier » . Vendredi 22 septembre, le fonds a déposé plainte auprès du parquet financier pour « corruption active et passive, autour de la vente des activités d’infogérance à Daniel Kretínský. » Ce que la politique ne fait pas, la justice le fera-t-elle ?

Atos : Une vente à la découpe au mépris des intérêts stratégiques de la France

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SI VOUS ESTIMEZ L’ATTITUDE DE LA GOUVERNANCE D’ATOS N’EST PLUS TOLÉRABLE, À SAVOIR UNE DESTRUCTION À PETIT FEU DES CAPITAUX PROPRES D’ATOS, ET LA POSSIBLE FAILLITE DU GROUPE,

alors ADHÉREZ à l’association UDAAC, [l’union des actionnaires d’Atos constructifs] et inscrivez-vous sur l’agrégateur d’actions Udaac pour comptabiliser le % du capital « de concert » détenu par l’association  (cliquez ci-dessous).

L’UDAAC est une association « loi 1901 » immatriculée en préfecture, à vocation unique de défendre les actionnaires d’Atos contre la gouvernance qui détruit à petit feu l’entreprise, et qui a mandaté une des meilleures avocates en France, Me Sophie Vermeille qui a mis KO Jean-Charles Naouri l’ex-président de Casino, dans un combat épique en 2018 et 2019, pour réaliser des actions auprès de l’AMF si besoin, et surtout pour inscrire de nombreuses résolutions à l’AGE de novembre dans le but de révoquer Bertrand Meunier et la moitié du board inféodé, bien-entendu, annuler l’augmentation de capital, et surtout d’annuler le chèque de 1 Md€ versé par Atos à Kretinsky pour garder TFCo dans le giron d’Atos.

Ainsi qu’une résolution symbolique, mais oh combien essentielle, diminuer de 50% les jetons de présences des administrateurs afin de ne garder que ceux motivés par le challenge de redresser Atos et de faire partir les mercenaires.

Si vous êtes suffisamment nombreux à rejoindre l’UDAAC, et dès lors que le budget de l’association sera suffisant, l’Udaac devrait, sous réserve de décision collégiale du bureau, assigner devant les tribunaux Bertrand Meunier et tous les administrateurs individuellement.

Pour cela, il faut réunir des fonds pour financer ce combat, car l’argent est le nerf de la guerre. Il y aura des frais d’avocats très importants ! Mais également des frais d’agence de communication pour faire entendre la voix de l’association. L’UDAAC a un besoin en fonds énorme pour assurer la victoire face aux avocats de Meunier qui va choisir les plus chers vu qu’il paie avec votre argent !

L’UDAAC demande une participation de seulement 6 cts par actions détenues jusqu’à 10 000 actions, et au-delà les contacter, montants qui seront gérés méticuleusement par le bureau de L’UDAAC et dont le président et le trésorier sont experts-comptables et dont tout solde excédentaire non utilisé serait remboursé aux adhérents.

Union Des Actionnaires d’Atos Constructifs

Association 1901 immatriculée en préfecture

info@udaac.org    www.udaac.org

Je rappelle que pour tout échange d’idées, suggestions, un forum spécifique a été créé : forum.bourse.blog/udaac/

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