A gauche comme à droite, des élus s’opposent aux discussions entre Atos et l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky. Le groupe informatique est un fournisseur irremplaçable de l’armée française.
L’Elysée et divers ministères (Défense, Intérieur) suivent ces discussions de près tant Atos est devenu un fournisseur stratégique pour l’armée (simulation nucléaire, logiciels dans les chars Scorpion, dans les Rafale, etc.), pour les services de renseignement et même pour le fisc.
Par Florian Dèbes
Après avoir critiqué cet été les plans de l’ancienne direction, les oppositions, à droite comme à gauche, en appellent maintenant à une « nationalisation temporaire d’Atos ». Elles s’élèvent contre la vente du spécialiste de la tech promise, malgré l’opposition d’actionnaires minoritaires , au milliardaire Daniel Kretinsky.
500 millions d’euros pour Atos
Depuis début août, des négociations exclusives sont en cours entre Atos et EPEI, un fonds principalement détenu par l’homme d’affaires tchèque. L’Elysée et divers ministères (Défense, Intérieur) suivent ces discussions de près tant Atos est devenu un fournisseur stratégique pour l’armée. Ses supercalculateurs sont indispensables aux simulations d’essais nucléaires. Ses logiciels se retrouvent dans les chars Scorpion et les Rafale. Les services de renseignement et même le fisc sont aussi d’importants clients.
Mais deux amendements parlementaires au projet de loi de finance 2024 esquissent un autre futur pour l’entreprise.
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L’un, porté par le chef du groupe LR à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix, propose de consacrer 500 millions d’euros à la nationalisation d’Atos. Selon lui, la situation n’est pas si différente de celle des chantiers navals STX nationalisés par Emmanuel Macron peu après son élection en 2017.
Des propositions suspendues au 49-3
« On voudrait davantage de débats publics autour de l’avenir d’Atos. On ne peut pas faire comme si ce n’était pas un enjeu de souveraineté et d’indépendance nationale », explique le député aux Echos. Selon le plan de son groupe parlementaire, l’Etat garderait la main sur Atos le temps de stabiliser l’entreprise, de rassurer les créanciers et de lancer un nouveau tour de table invitant des entreprises françaises.
L’autre amendement, déposé par le socialiste Philippe Brun, suggère de consacrer 390 millions d’euros à une prise de contrôle temporaire par l’Etat, non pas de l’entièreté d’Atos mais uniquement des activités stratégiques comme Big Data et Sécurité (BDS) et Atos Worldgrid (le spécialiste des logiciels de gestions pour les centrales nucléaires et divers organismes publics et parapublics). En Bourse, la totalité d’Atos vaut 516 millions d’euros, contre 8 milliards d’euros il y a trois ans, en raison d’une succession d’erreurs stratégiques, de fautes de communications financières et de difficultés de gouvernance.
La réaction du groupe Renaissance à ces propositions sera scrutée de près. De fait, le destin de ces amendements introduits dans la partie dépenses du projet de loi de finance (PLF) qui a de fortes chances de se terminer par un nouveau recours à l’article 49-3 dépend désormais en grande partie des choix du gouvernement. Ils ne seront peut-être même jamais discutés en séance si la Première ministre active avant cela le 49.3.
Coup de semonce politique
Cette initiative parlementaire fait suite à un premier coup de semonce fortement commenté en plein coeur de l’été. Dans une tribune au « Figaro », 82 députés et sénateurs LR s’étaient émus de voir Daniel Kretinsky s’approcher de cette « entreprise clé pour l’autonomie stratégique » française.
Les élus réagissaient alors au plan de sauvetage présenté quelques jours plus tôt par la direction du groupe. Celle-ci souhaite vendre les activités historiques d’Atos à l’homme d’affaires controversé, tout en faisant entrer ce dernier dans l’actionnariat (7,5 %) du groupe rebaptisé « Eviden », via une augmentation de capital. Premier actionnaire d’Eviden, Daniel Kretinsky n’occuperait aucun rôle de direction. Fin septembre, son entourage avait toutefois fait savoir qu’il était prêt à céder cette part minoritaire « si elle posait le moindre problème ».
Nouvelle équipe dirigeante
Mais cette éventualité serait bien mal vécue par la direction d’Atos qui bataille pour boucler une augmentation de capital. En mal de financement et de génération de cash, l’entreprise vient de se doter d’une nouvelle équipe dirigeante, sans dévier de sa stratégie.
A la présidence du conseil d’administration, l’ancien banquier Jean-Pierre Mustier est secondé par Laurent Collet-Billion, l’ancien patron de la direction générale de l’armement (DGA). A la direction générale, le groupe a débauché Yves Bernaert chez Accenture. Dans un entretien aux « Echos » début octobre, il disait Atos à la recherche de « solutions complémentaires à l’augmentation de capital réservée ». Notamment auprès de l’Etat.
Florian Dèbes
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