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Dans un entretien aux « Echos », le nouveau patron du groupe informatique sonne la mobilisation générale pour réussir le plan de scission d’Atos. Il veut peaufiner le projet d’accord avec Daniel Kretinsky pour convaincre tous les actionnaires et ouvre la porte d’Eviden à d’autres investisseurs, publics ou privés.
Par Florian Dèbes, Nicolas Madelaine, Gwénaëlle Barzic
Mais beaucoup parmi ses contacts lui ont aussi souhaité « bon courage ». De fait, le « petit break de quelques mois » que le dirigeant de 55 ans avait envisagé en quittant Accenture se transforme en un saut dans la fosse aux lions, sur l’un des dossiers les plus explosifs de la place de Paris.
« Il est important d’accélérer l’exécution de la stratégie définie par le conseil d’administration », assène-t-il lors d’un entretien avec « Les Echos », au lendemain de sa première rencontre avec les équipes à Bezons. Le trio de dirigeants chargé d’Atos depuis juin 2022 a bien avancé, dit-il. Mais le quadriumvirat formé de facto avec le très contesté président du conseil Bertrand Meunier trouvait ses limites. Le président et le directeur général reprendront leur rôle respectif. A charge pour le quatrième patron du groupe en quatre ans de poursuivre les négociations autour du plan de transformation d’Atos – plus menacé que jamais – et notamment auprès des partenaires financiers.
Le défi de l’augmentation de capital
Le dossier le plus chaud sur son bureau est sans conteste la réussite d’une augmentation de capital de 900 millions d’euros. Celle-ci doit être concomitante à la cession des activités déclinantes de la branche Tech Foundations (infogérance) au milliardaire Daniel Kretinsky pour donner naissance au futur Atos, Eviden. Le milliardaire tchèque est prêt à apporter 200 millions d’euros sur ce total à Eviden, à un prix bien supérieur au cours actuel, pour créer un effet d’entraînement et attirer d’autres actionnaires.
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Mais il y a deux problèmes. « Il faut d’autres investisseurs pour ancrer cette opération et rassurer », explique un analyste. En outre, la grogne monte dans une partie du monde politique en raison de l’arrivée d’un investisseur étranger comme Daniel Kretinsky. Leur inquiétude est vive alors que les technologies du futur Eviden sont indispensables à l’armée française pour la dissuasion nucléaire.
« Ça veut dire qu’il faut continuer à rechercher des solutions complémentaires à l’augmentation de capital réservée. Est-ce qu’on est à l’écoute de nouveaux investisseurs disposés à rentrer dans la capitalisation ? Oui, et aussi bien l’Etat que des actionnaires privés », pose le nouveau dirigeant. Le dossier est déjà suivi de près à l’Elysée mais les candidats alternatifs ne se bousculent pas au portillon. Selon son entourage, Daniel Kretinsky – sollicité par Atos pour entrer au capital d’Eviden – est prêt à céder ses parts si nécessaire.
Négociations toujours en cours
« Il y a des nécessités financières », ajoute le professionnel, en rappelant que le projet de scission est d’abord le fruit d’une discussion financière avant d’y trouver un intérêt opérationnel. De fait, l’heure tourne et des échéances approchent. Atos devra rembourser 1,5 milliard d’euros en janvier 2024, même si l’entreprise a la possibilité de retarder jusqu’à début 2025. En novembre 2024, une autre échéance de 500 millions d’euros (un prêt convertible en actions Worldline) approche. « Même après la double opération envisagée, Eviden restera endetté, ce sera son défi majeur, et il faudra peut-être lever de nouveaux fonds », poursuit l’analyste.
Le patron devra aussi faire face à la bronca de certains actionnaires minoritaires d’Eviden convaincus que le plan de transformation fait les affaires de Daniel Kretinsky mais pas d’Eviden. Il leur ouvre la porte alors que les négociations exclusives avec l’homme d’affaires tchèque, qu’il entend rencontrer « rapidement », ne sont pas terminées. « Rien n’est définitif et des évolutions sont possibles. Il faut écouter les actionnaires et toutes les parties prenantes, prendre le temps d’expliquer », admet-il.
Nouvelles baisses en Bourse
Les syndicats craignent aussi un Eviden déséquilibré par sa séparation d’avec Tech Foundations, qui lui apportait des opportunités commerciales. A cela, le dirigeant répond : « Nous allons garder des synergies pour répondre aux besoins des clients ». Même si les deux sociétés appartiendront à des propriétaires différents, elles ont un historique de collaboration.
Après avoir perdu 95 % de sa valeur en trois ans, l’action a cédé 6,70 % mercredi et encore près de 10 % ce jeudi. Déjà considérée comme très dilutive par les actionnaires, l’augmentation de capital le sera encore plus si le cours ne se redresse pas dans les prochains mois. « Le scénario n’est pas loin de la catastrophe et un nouveau directeur général ne pourra pas inverser la tendance tout seul », pointe un analyste. Surtout que d’autres observateurs soulignent le manque d’expérience d’Yves Bernaert face à des investisseurs. Ce dernier n’a jamais dirigé de sociétés cotées. Le téléphone n’a pas fini de sonner.
Gwenaelle Barzic, Florian Dèbes, Nicolas Madelaine
https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/yves-bernaert-en-mission-pour-sauver-atos-1985055
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