BRUNO LE MAIRE s’exprime enfin sur le dossier ATOS – Pas un mot pour les actionnaires [article DES ECHOS]

AVANT-PROPOS-BLOG : ARTICLE-ENTRETIEN LES ECHOS AVEC BRUNO LE MAIRE. IL EST ASSEZ EN PHASE AVEC MUSTIER, MÊME SI ON L’AURA COMPRIS SON DADA C’EST PLUS LA SOUVERAINETÉ. NON SEULEMENT LES ACTIONNAIRES PASSENT EN DERNIER, MAIS PIRE, ILS NE SONT MÊME PAS CITÉS.

 

 -COPYRIGHTS LES ECHOS-

« L’État utilisera tous les moyens à sa disposition » : Bercy sort du bois sur le dossier Atos

Alors qu’Atos a demandé la nomination d’un mandataire ad hoc, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, prévient que l’Etat « utilisera tous les moyens à sa disposition pour préserver les activités stratégiques » de l’ex-fleuron français de l’informatique. « Nous ne laisserons pas tomber les activités industrielles d’Atos qui représentent des dizaines de milliers d’emplois », ajoute-t-il.

Par Leïla MarchandNicolas Madelaine

Publié le 5 févr. 2024 à 20:00Mis à jour le 5 févr. 2024 à 20:19
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Après des mois d’un silence assourdissant – qui a interrogé de nombreux connaisseurs du dossier -, l’appel à un mandataire ad hoc dans le dossier brûlant Atos en vue d’une renégociation de la dette du groupe informatique français a conduit le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, à s’exprimer sur ce dossier pour la première fois publiquement, lors d’un entretien aux « Echos ».

Face à la gravité de la situation , le locataire de Bercy dit deux choses. D’abord, « nous ne laisserons pas tomber les activités industrielles d’Atos qui représentent des dizaines de milliers d’emplois », promet Bruno Le Maire. Bien qu’elle soit méconnue du grand public, l’entreprise, qui emploie près de 110.000 salariés dans le monde (dont environ 10.000 en France), pour un chiffre d’affaires d’environ 11 milliards d’euros, reste l’un des leaders européens du cloud, de la cybersécurité et le seul constructeur de supercalculateurs en Europe.

Dissuasion nucléaire

Deuxième point, le ministre de l’Economie annonce que « l’Etat utilisera tous les moyens à sa disposition pour préserver les activités stratégiques d’Atos ». Il fait référence à la « pépite » d’Atos, BDS (Big Data & Security). Cette entité comprend les activités les plus sensibles d’Atos dans la cybersécurité et les supercalculateurs, jouant notamment un rôle dans la dissuasion nucléaire.

Depuis janvier, l’avionneur franco-allemand Airbus est officiellement sur les rangs pour reprendre BDS, avec une offre correspondant à une valeur d’entreprise comprise entre 1,5 et 1,8 milliard d’euros. Il faut dire que Thales, qui pourrait aussi convoiter la « pépite » d’Atos, n’a jamais fait d’offre à ce jour. Selon nos informations, l’option Airbus aurait les faveurs de Bercy parce que les activités seraient plus complémentaires et permettraient de développer l’avionneur dans les jumeaux numériques. Mais un prix juste doit être trouvé car la vente de BDS doit désormais servir à Atos à redresser sa situation financière intenable.

Actif sensible

En tout cas, Bruno Le Maire semble sous-entendre qu’il compte dissuader tout repreneur étranger de mettre la main sur cet actif sensible. Cela pourrait-il passer par une nationalisation, comme le proposaient des parlementaires il y a encore quelques mois ? Des offres par des groupes étrangers auraient été découragées, selon nos informations.

« Depuis des mois, nous sommes en contact régulier, à travers nos équipes et le CIRI, avec la direction d’Atos », assure en tout cas Bruno Le Maire aux « Echos », en faisant référence au Comité Interministériel de Restructuration Industrielle (CIRI), le bureau qui accompagne les entreprises françaises en difficulté, qui a récemment participé à une réunion entre l’entreprise présidée par Jean-Pierre Mustier et les banques créancières. « Nous suivons donc le dossier très attentivement. »

Selon nos informations, si la position de l’Etat est de s’assurer quoi qu’il en coûte que les actifs stratégiques d’Atos restent dans des mains françaises, le gouvernement est prêt à laisser faire les mécanismes de marché et de place, comme la nomination d’un mandataire ad hoc, pour que le groupe restructure son financement avec ses diverses contreparties. Il n’y aura pas de chèque en blanc.

Ces dernières années, après une période de pleine croissance à coups d’acquisitions, l’ex-star de l’informatique française s’est trouvée affaiblie par une série de revers et de changements de gouvernance, et forcée d’envisager une scission de ses activités.

La cession de Tech Foundations au point mort

L’autre plan de sauvetage d’Atos était la cession de ses activités historiques d’infogérance (Tech Foundations), en déclin, au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Bien que l’homme d’affaires soit encore officiellement en pole position pour la reprise de cet actif, ce projet de vente est actuellement sérieusement compromis.

Des mois après l’annonce d’une ouverture des négociations en août dernier, les deux parties ne sont toujours pas parvenues à un accord, alors que la direction d’Atos a récemment annoncé qu’elle cherchait à revoir les termes de l’opération. Selon nos informations, la « réunion de la dernière chance » n’a toujours pas eu lieu entre l’ex-banquier Jean-Pierre Mustier, président d’Atos, et le milliardaire.

Leïla Marchand, Nicolas Madelaine

https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/letat-utilisera-tous-les-moyens-a-sa-disposition-bercy-sort-du-bois-sur-le-dossier-atos-2074192

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DÉCRYPTAGE

Atos : le mandat ad hoc, l’arme pour accélérer les discussions

Le groupe informatique demande la désignation d’un mandataire ad hoc. Une façon de mettre la pression sur les banques et accélérer les discussions.

Par Marina Alcaraz

Publié le 5 févr. 2024 à 18:28Mis à jour le 5 févr. 2024 à 19:11
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Nouveau rebondissement dans le feuilleton Atos avec la désignation d’un mandataire ad hoc. Cette tierce partie va jouer le rôle de facilitateur, de médiateur entre la société en difficulté et les banques.

Cette nouvelle étape ne signifie aucunement que l’ex-fleuron français est entré dans une procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation), mais plutôt qu’elle a besoin de temps et de soutien pour trouver une solution. L’enjeu est énorme : la société cotée doit faire face à un mur de dettes relativement rapidement avec 1,5 milliard d’euros de dette (« term loan ») arrivant à échéance début 2025 sous réserve de deux extensions, ainsi que 1,25 milliard d’euros en emprunts obligataires, arrivant à échéance fin 2024 et mi-2025. Au total, si l’on considère les différents prêts, facilités de crédit et obligations jusqu’en 2029, il s’agit de 4,8 milliards.

Une certaine pression sur les créanciers

Le groupe informatique a entamé des discussions depuis quelques semaines avec ses banques en vue de parvenir à un plan de refinancement de sa dette financière, mais n’est pas parvenu à un accord à ce stade. Atos doit négocier un syndicat de 22 banques. « L’appel à un mandataire ad hoc est une façon de rechercher une solution consensuelle mais aussi une façon de mettre une certaine pression sur les créanciers en leur disant : l’alternative est une procédure collective dans laquelle les solutions s’imposeront aux créanciers », explique Pierre-Alain Bouhénic, spécialiste des restructurations chez Moncey Avocats.

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Atos demande du soutien pour refinancer sa dette, le cours de Bourse s’écroule

Dans la pratique de marché, les banques consentent souvent un « standstill » (suspendre les paiements sans provoquer l’exigibilité du crédit), le temps de la négociation, selon le spécialiste. Mais Atos peut sans doute vouloir faire davantage : renégocier la dette, soit en étendant la maturité (donc le délai pour rembourser), soit en consentant un abandon d’une partie des dettes – il n’a pas précisé les objectifs précis. Quoi qu’il en soit, du temps permettrait à Atos de réaliser les cessions qu’il envisage et ainsi de faire entrer du cash dans ses caisses. « Si l’on se place du côté des banquiers, on peut comprendre une certaine réticence, compte tenu de la faible visibilité sur le business d’Atos dans un futur assez proche », commente un analyste.

Abandons de créances

Ce type de médiation est relativement courant pour les sociétés en difficulté qui tentent d’éviter au maximum la sauvegarde ou liquidation, des procédures qui peuvent entraîner une fuite des clients et des fournisseurs, et ainsi précipiter le déclin de l’entreprise. Ce fut par exemple le cas de Conforama (dont la révélation par le magazine « Challenges » avait d’ailleurs entraîné des poursuites à son encontre), de Rallye (holding de Casino), de Royal Monceau… Souvent, pour des sociétés non cotées, les mandats sont confidentiels.

Toute la question est désormais de savoir si le groupe informatique va trouver un terrain d’entente avec les banquiers, avec l’aide de son mandataire. Ou s’il faudra aller plus loin… « S’il y a procédure collective, le tribunal pourra imposer un étalement de la dette jusqu’à un maximum de dix ans et plus probablement des abandons de créances », reprend Pierre-Alain Bouhénic. Ce à quoi ni les créanciers, ni la société – qui a besoin d’avoir le soutien des banques – n’ont vraiment intérêt…

https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/atos-le-mandat-ad-hoc-larme-pour-accelerer-les-discussions-2074161

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