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En grande difficulté financière, l’ex-fleuron de l’informatique français a demandé la désignation d’un mandataire ad hoc . Objectif : restructurer sa dette. Le cours de Bourse plonge à nouveau.
La descente aux enfers continue pour Atos. Le groupe informatique s’est résolu à demander « la désignation d’un mandataire ad hoc » pour gérer sa situation financière aujourd’hui intenable. Le but est d’accélérer les « discussions avec ses banques en vue de parvenir à un plan de refinancement de sa dette financière », indique un communiqué publié ce lundi. L’annonce a fait l’effet d’une bombe : le cours de Bourse d’Atos a plongé de près de 30 % lundi, après une dégringolade qui lui a fait perdre 95 % de sa valeur sur cinq ans.
Par Leïla Marchand, Anne Drif, Nicolas Madelaine
Les tensions avec les banques sont « assez logiques au regard de la faible visibilité sur le périmètre du groupe », note Invest Securities, qui souligne aussi que « cette annonce devrait continuer d’alimenter la spirale baissière sur le titre ».
Pression sur les banques
Le recours à un mandataire peut aider l’entreprise à faire pression sur ses créanciers. « Le mandataire peut décider d’une mise sous sauvegarde où ils risquent de perdre encore davantage », explique l’un d’entre eux. Sur ses actionnaires aussi, si in fine une conversion des dettes en actions devenait inévitable. « Sinon, pourquoi nommer un mandataire ad hoc ? » estime un familier de ces situations. D’où la chute du cours de Bourse.
Le mandataire désigné aura pour mission d’assister la société dans ses échanges avec 22 banques créancières du groupe. La probabilité est grande qu’il s’agisse de la très réputée Hélène Bourbouloux, habituée de la restructuration de dettes des dossiers sensibles. Orpea, EuropaCorp, Solocal, Geoxia sont passés entre ses mains.
La chose ne sera pas simple. Les banques, qui détiennent la moitié de la dette de 4,8 milliards d’euros d’Atos (l’autre moitié étant détenue par des investisseurs obligataires), s’estiment dans le flou sur la situation financière du groupe. « Aujourd’hui, on ne sait pas du tout de quoi on parle sur l’état financier du groupe. Aussi, tout est ouvert, de l’option la plus légère (repousser les échéances) à la plus douloureuse (l’abandon de dette) », souligne une source. Certaines banques étrangères cherchent déjà à se débarrasser de leurs créances, pour ne pas se retrouver dans une situation à la Casino qui a plutôt favorisé les banques françaises, alors que la dette d’Atos traite à moins de 50 % de sa valeur.
Mais les créanciers obligataires ne comptent pas attendre sagement non plus le résultat des courses des discussions entre Atos et les banques, et s’équipent aussi de conseils. « Il ne faudrait pas que les banques obtiennent des garanties que les autres n’ont pas. De par la structure de la dette actuelle, personne ne peut être mieux traité que les autres », affirme une source, qui rappelle que « Atos c’était le placement en dette de bon père de famille ! ».
Abandon de l’augmentation de capital
« Repousser les remboursements des dettes bancaires à plus tard posera donc des problèmes, et en plus, Atos va avoir besoin d’argent frais, donc devra compter sur tout le monde », résume un proche du dossier.
Logiquement, étant donné l’évolution de la situation, Atos dit renoncer à son augmentation de capital. La société dit aussi poursuivre ses discussions avec le milliardaire Daniel Kretinsky pour lui céder une partie de ses activités. Mais toujours « sans certitude qu’elles aboutissent à un accord », précise le groupe, alors que, selon nos informations, cette opération est sérieusement compromise depuis plusieurs semaines. Pour rappel, ces discussions portent sur la vente de Tech Foundations, l’entité qui regroupe les activités historiques d’infogérance d’Atos.
Phase de « due diligence » avec Airbus
L’autre option pour trouver des liquidités, la cession des activités Big Data & Security (BDS), considérées comme les « bijoux de famille de l’entreprise », est toujours envisagée. Les négociations avec Airbus sont entrées dans la phase de « due diligence », indique le communiqué, c’est-à-dire un ensemble de vérifications de la situation stratégique et financière de l’entité.
Airbus s’est prononcé en début d’année sur une valeur d’entreprise comprise entre 1,5 et 1,8 milliard d’euros.
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Atos reconnaît en tout cas que « la possible évolution de sa structure de capital pourrait entraîner une dilution des actionnaires existants, en fonction de l’accord sur la structure de refinancement », conclut le communiqué de la société, dont le premier actionnaire est depuis décembre Onepoint, société de conseil de David Layani, montée au-dessus de 10 %.
D’autres cessions d’actifs pourraient-elles être nécessaires ? Le groupe ne s’exprime pas à ce sujet, ce que regrette l’Udaac, l’association représentant une partie des actionnaires de l’entreprise. « Ils ne mettent pas en avant les autres pistes sur lesquelles il y a encore une possibilité d’avancer, comme les activités américaines », regrette l’association.
Leïla Marchand, Anne Drif et Nicolas Madelaine
https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/atos-demande-du-soutien-pour-refinancer-sa-dette-le-cours-en-bourse-secroule-2073936
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Atos : le mandat ad hoc, l’arme pour accélérer les discussions
Le groupe informatique demande la désignation d’un mandataire ad hoc. Une façon de mettre la pression sur les banques et accélérer les discussions.
Par Marina Alcaraz
Nouveau rebondissement dans le feuilleton Atos avec la désignation d’un mandataire ad hoc. Cette tierce partie va jouer le rôle de facilitateur, de médiateur entre la société en difficulté et les banques.
Cette nouvelle étape ne signifie aucunement que l’ex-fleuron français est entré dans une procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation), mais plutôt qu’elle a besoin de temps et de soutien pour trouver une solution. L’enjeu est énorme : la société cotée doit faire face à un mur de dettes relativement rapidement avec 1,5 milliard d’euros de dette (« term loan ») arrivant à échéance début 2025 sous réserve de deux extensions, ainsi que 1,25 milliard d’euros en emprunts obligataires, arrivant à échéance fin 2024 et mi-2025. Au total, si l’on considère les différents prêts, facilités de crédit et obligations jusqu’en 2029, il s’agit de 4,8 milliards.
Une certaine pression sur les créanciers
Le groupe informatique a entamé des discussions depuis quelques semaines avec ses banques en vue de parvenir à un plan de refinancement de sa dette financière, mais n’est pas parvenu à un accord à ce stade. Atos doit négocier un syndicat de 22 banques. « L’appel à un mandataire ad hoc est une façon de rechercher une solution consensuelle mais aussi une façon de mettre une certaine pression sur les créanciers en leur disant : l’alternative est une procédure collective dans laquelle les solutions s’imposeront aux créanciers », explique Pierre-Alain Bouhénic, spécialiste des restructurations chez Moncey Avocats.
Dans la pratique de marché, les banques consentent souvent un « standstill » (suspendre les paiements sans provoquer l’exigibilité du crédit), le temps de la négociation, selon le spécialiste. Mais Atos peut sans doute vouloir faire davantage : renégocier la dette, soit en étendant la maturité (donc le délai pour rembourser), soit en consentant un abandon d’une partie des dettes – il n’a pas précisé les objectifs précis. Quoi qu’il en soit, du temps permettrait à Atos de réaliser les cessions qu’il envisage et ainsi de faire entrer du cash dans ses caisses. « Si l’on se place du côté des banquiers, on peut comprendre une certaine réticence, compte tenu de la faible visibilité sur le business d’Atos dans un futur assez proche », commente un analyste.
Abandons de créances
Ce type de médiation est relativement courant pour les sociétés en difficulté qui tentent d’éviter au maximum la sauvegarde ou liquidation, des procédures qui peuvent entraîner une fuite des clients et des fournisseurs, et ainsi précipiter le déclin de l’entreprise. Ce fut par exemple le cas de Conforama (dont la révélation par le magazine « Challenges » avait d’ailleurs entraîné des poursuites à son encontre), de Rallye (holding de Casino), de Royal Monceau… Souvent, pour des sociétés non cotées, les mandats sont confidentiels.
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Toute la question est désormais de savoir si le groupe informatique va trouver un terrain d’entente avec les banquiers, avec l’aide de son mandataire. Ou s’il faudra aller plus loin… « S’il y a procédure collective, le tribunal pourra imposer un étalement de la dette jusqu’à un maximum de dix ans et plus probablement des abandons de créances », reprend Pierre-Alain Bouhénic. Ce à quoi ni les créanciers, ni la société – qui a besoin d’avoir le soutien des banques – n’ont vraiment intérêt…
https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/atos-le-mandat-ad-hoc-larme-pour-accelerer-les-discussions-2074161
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