Bonjour Marc,
dans ton dernier mail, tu m’as parlé d’un article-interview de Bernard Bourigeaud [ndrl: fondateur d’Atos] qui t’avait frappé parce qu’il disait visiter tous les jours un des clients d’Atos avec son directeur commercial .
Aussi j’aimerais te parler de ma vision générale du boulot “d’un directeur”, mot un peu général et rétrograde où l’on dirait maintenant “manager” ou “cadre”, ou autre, mais au moins “directeur” tout le monde connait ce mot 🙂
Le boulot d’un directeur, c’est assez simple au final :
Il s’agit essentiellement de montrer l’exemple – c’est bête, mais en y réfléchissant, ce n’est en réalité pas vraiment beaucoup plus que ça.
Une entreprise qui fonctionne n’a normalement pas besoin de faire remonter tous les problèmes au plus haut niveau. Les opérations se règlent à chaque niveau nécessaire, sauf vraiment les grosses décisions stratégiques, les rares cas par exemple de projets vraiment internationaux, et faire le résumé à la fin de l’année.
Par contre, le directeur donne la cadence, principalement en montrant l’exemple soi-même. Un directeur chaotique va créer du bazar à tous les niveaux inférieur, un directeur ultra-bosseur va inciter dessous à faire de même, un directeur qui va voir le terrain et clients va émuler ses cadres à faire la même chose… et un directeur expert en entourloupes et magouilles va rapidement transformer ses équipes en bricoleurs de chiffres.
J’ai travaillé depuis 20 ans avec des dizaines d’entreprises très variées, souvent avec leur management (ok, toujours dans des secteurs industriels) et c’est vraiment une constante.
Atos n’a plus de tops-managers qui donnent un cap, depuis des années. Du coup, c’est chacun fait ce qu’il veut, chacun dans son silo et on laisse faire jusqu’au moment ou ça tape vraiment trop fort dans le mur.
C’était honnêtement déjà le cas avec Thierry Breton – les Français ne l’avoueront pas – mais il était perché dans sa tour à Paris ou sur les plateaux de BFM TV, rarement sur le terrain. Il était quasi inconnu hors de France en tant que patron ou alors vu comme “le politique français” pour les quelques-uns qui se souvenaient de son passage à Bercy.
En 10 ans, il est peut-être allé trois fois en Allemagne, alors que l’acquisition de SIS (Siemens IT) avait fait doubler sa société de taille.
Du coup, pas de surprise qu’il y ait un manque de coordination, d’intégration, etc. entre toutes les entités. IG Metal et la CFDT n’ont quasi aucun contact.
Au lieu d’une société de 100.000 employés en position puissante, Atos est devenu une accumulation de mini-royaumes qui pensent plus à se chamailler, à se protéger les uns des autres et à s’inventer des titres de noblesses, plus que vraiment chercher à satisfaire des clients et plus que chercher les clients tout court.
C’est le cas dans pas mal de grandes sociétés, mais dans ce genre de situation, si le directeur fait son boulot d’exemplarité et qu’il est justement la personne “stricte et juste” qui recadre les choses, les intégrations se font lentement et surement et au bout de quelques années toutes les sous-unités sont intégrés. Pas chez Atos. Ou pas depuis Thierry Breton.
Thierry Breton, a eu la chance immense à son arrivée d’avoir, pépite (et pour le coup une VRAIE pépite) appelée Worldline, dont la valeur a flambé et grâce à la cash-machine Worldline qui a généré 6 Md€ de rentrées lors des mises en bourse par petit bouts de 25% à chaque fois, il pu acheter, acheter, acheter… sans intégrer sans faire son boulot de directeur.
Quant aux derniers 25% de Worldline, tu sais mieux que moi puisque nous en avons déjà discuté, au lieu de les utiliser pour financier l’acquisition de Syntel, il a endetté Atos pour financer l’achat de Syntel et 4 mois avant de quitter Atos, il a distribué ces 25% sous forme d’actions gratuites aux actionnaires [dont lui-même], actions qu’il a immédiatement revendues avant son oral devant les députés européens à Bruxelles, en disant qu’il avait d’ores et déjà vendu toutes ses actions Atos et Worldline pour éviter tout conflit d’intérêt. (nrdl : extrait de 40s ci-dessous).
Grâce à la très forte valorisation de Worldline (8 x le CA), Thierry Breton a pu réaliser moultes acquisitions comme un jeu de Légos, achetant sans se soucier d’intégrer d’abord les sociétés acquises avant d’en acheter de nouvelles, et se targuant d’avoir grossi sans s’endetter en oubliant de préciser qu’il avait appauvri Atos en vendant son plus gros actif (Wordline) et que la valeur de toutes les entreprises rachetées a ensuite baissé en moyenne de 50%. C’est un peu comme s’il avait vendu Wordline 50% en dessous de son prix…
Donc il n’a pas augmenté la dette d’Atos, mais diminué l’actif d’Atos, puisque TOUS les achats réalisés avec le fruit de la vente d’Atos se sont révélés être des mauvaises affaires (Siemens, Bull, Unify, Xerox, Syntel, pour n’en citer que quelques-unse). Là-dessus il a un taux de réussite de 100% monsieur Breton. La seule belle acquisition depuis 10 ans, c’est à l’actif de Nourdine Bihmane, même si c’est Elie Girard qui a fait le chèque, c’est EcoAct.
Et là, ils font comme Wordline, ils la revendent stupidement pour faire rentrer du cash en urgence.
100% des achats de Thierry Breton ont eu une décroissance organique post-acquisition. Le record des contre-performances de Thierry Breton, c’est Unify. Acheté en 2016 avec 1.2Md€ de CA et revendu cette année avec 550M€ de CA et s’il s’est vanté d’avoir acheté sans s’endetter, sauf qu’il a omis de préciser que 100% des entreprises achetées ont fait de la décroissance organique après leur rachat. Et j’en reviens à mon introduction, le rôle du directeur en tant qu’exemple et leader dynamiseur.
Si les sociétés rachetées ne voient pas le bout du nez de leur nouveau directeur, comment peuvent-elles tout d’abor se sentir accueillies et enfin intégrées.
La raison, ce que je t’ai expliqué un peu plus haut. Il n’y a pas de bons directeurs chez Atos, et ce, dès le plus haut échelon. Je parle de ceux que j’ai connu après avoir été à savoir à l’époque où j’ai été embauché, Thierry Breton, Elie Girard, Meunier, le Trimvirat actuel… Les précédents je ne les ai pas connus.
Mais avant, il y a eu aussi des grosses acquisitions, du temps de Bourigeaud que tu as cité, Origin et Sema. Je n’ai jamais entendu parler de clients “Les Origins” ou “Les Sema”, alors que pour les acquisitions Breton, même 10 ans après, on utilise toujours le terme “Les Bull”, “Les Siemens”, “Les Xerox”, “Les Syntel” … toutes les sociétés achetées par Thierry Breton restent des unités à part dans Atos et non un Atos unique et indivisible comme chez CapGemini ou Sopra-Steria.
Les directeurs suivants n’ont pas amélioré les choses, entre Elie Girard qui pensait purement en tant que financier (tu sais certainement qu’il a été directeur financier de Atos durant 2 ans avec de devenir DG) qui pensait naïvement que la gestion des opérations fonctionnent sur Excel, ou via de beaux PowerPoints complètement déconnectés de la réalité, et quand ce n’était pas son PC, c’était l’utilisation massive de cabinets de conseil en management (j’ai une expérience avec BCG…).
Puis Belmer qui est apparu, puis a été oublié quasi immédiatement. Dès le départ, il ne semblait honnêtement pas avoir la moindre idée du business dans lequel il était – encore une fois pas top pour le leadership). Il avait néanmoins eu l’intelligence de comprendre que pour redresser TFCo il fallait céder un gros actif, Meunier a refusé, préférant l’ingénierie financière et finalement ça se finit par une augmentation de capital…
Enfin aujourd’hui, un triumvirat ou personne ne sait vraiment qui dirige quoi. Je sais que tu es un irréductible du cumul de la fonction de P & DG dans la même personne, alors je ne te fais pas de dessin sur le Triumvirat.
Les triumvirats finissent souvent en bain de sang dans l’histoire… Et ça ressemble à la situation actuelle avec une division des pouvoirs des DG pour permettre au président de reprendre les rênes.
Niveau “management-par-l’exemple” Meunier est vraiment une catastrophe : une grande partie des employés ne savent même pas qu’il existe (véridique), il est à Londres, là où n’y a aucun siège/gros site Atos et très peu d’employés, aucun lien avec quiconque un minimum opérationnel dans l’entreprise.
Et sans dévoiler les détails, le monsieur a un calendrier plus vide que certains de mes stagiaires !
Par contre, quand Nourdine Bihmane, veut prendre des décisions seul, et des décisions purement du ressort du DG, là, au lieu de rester à Londres et laisser les bons travailler tranquillement, il réapparait comme par enchantement pour dire “non”. Du coup, pas surprenant que Bihmane ait immédiatement dit “oui” à Daniel Kretinsky”.
Donc après s’être mis Belmer à dos, il s’est mis Bihmane à dos, il n’y a qu’Oliva qui ne la ramène pas trop, car vu le niveau de MOP de la “pépite” qu’il dirige, il vaut mieux qu’il se fasse discret.
Bref, Atos n’a aucun capitaine actuellement au plus haut niveau, une perte de motivation au niveau inférieur, une incompréhension absolue dans le management intermédiaire et un début de débandade au niveau opérationnel.
Je croise les doigts pour Nourdine, c’est un gars qui a un vrai charisme et connait le business, il ne pourra que faire mieux s’il arrive à remplacer son boss!
Cordialement,
Walker
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SI VOUS ESTIMEZ L’ATTITUDE DE LA GOUVERNANCE D’ATOS N’EST PLUS TOLÉRABLE, À SAVOIR UNE DESTRUCTION À PETIT FEU DES CAPITAUX PROPRES D’ATOS, ET LA POSSIBLE FAILLITE DU GROUPE,
alors ADHÉREZ à l’association UDAAC, [l’union des actionnaires d’Atos en colère] et inscrivez-vous sur l’agrégateur d’actions pour comptabiliser notre % du capital “de concert” (cliquez ci-dessous).
L’UDAAC est une association “loi 1901” immatriculée en préfecture, à vocation unique de défendre les actionnaires d’Atos contre la gouvernance qui détruit à petit feu l’entreprise, afin de mandater un cabinet d’avocat spécialisé en défense d’actionnaires pour réaliser des actions auprès de l’AMF, pour inscrire des résolutions à l’AGE de novembre dans le but de destituer Bertrand Meunier et la moitié du board inféodé, bien-entendu, annuler l’augmentation de capital, et surtout d’annuler le chèque de 1 Md€ versé par Atos à Kretinsky pour garder TFCo dans le giron d’Atos.
Si vous êtes suffisamment nombreux à nous rejoindre, et alors que le budget de l’association soit suffisant, nous assignerons individuellement devant les tribunaux Bertrand Meunier et tous les administrateurs individuellement.
Pour cela, il nous faut réunir des fonds pour financer ce combat, car l’argent est le nerf de la guerre. Il y aura des frais d’avocats très importants ! Mais également des frais d’agence de communication pour nous faire entendre. L’UDAAC a un besoin en fonds énorme pour nous assurer la victoire face aux avocats de Meunier qui bien sûr va choisir les plus chers vu qu’il paie avec votre argent !
L’UDAAC propose une participation de 6 cts par actions détenues, montants qui seront gérés méticuleusement par le bureau de L’UDAAC dont le président et le trésorier sont experts-comptables et inscrit au conseil de l’ordre des experts-comptables et travaillent bénévolement pour l’association.
Union Des Actionnaires d’Atos en Colère
Association 1901 immatriculée en préfecture
Je rappelle que pour tout échange d’idées, suggestions, un forum spécifique a été créé : forum.bourse.blog/udaac/
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