Atos se divise en deux et se rebaptise pour se relancer (LE FIGARO)

DÉCRYPTAGE – Le groupe cède ses activités d’infogérance à Daniel Kretinsky pour 100 millions d’euros. Renommé Eviden, il prépare une augmentation de capital.

Après plusieurs années de crise, Atos espère pouvoir écrire un nouveau chapitre de son histoire, sous le nom audacieux d’« Eviden ». L’ex-fleuron informatique français, numéro deux du secteur dans le pays derrière Capgemini, a enfin trouvé la solution pour mettre en œuvre le projet de scission qu’il avait présenté en juin 2022. Un projet porté par le président du conseil d’administration, Bertrand Meunier, et critiqué par des actionnaires minoritaires.

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Atos va céder ses activités historiques d’infogérance, regroupées dans Tech Foundations, à EP Equity Investment, le fonds de Daniel Kretinsky. Ce dernier va débourser 100 millions en cash pour la transaction. « Nous cédons un business déclinant qui n’avait pas d’intérêt stratégique pour le groupe, se réjouit un proche du conseil d’administration. Le prix est bas, mais nous n’avons pas besoin de recapitalisation, nous sommes libérés de passifs importants et nous nous épargnons des frais de restructurations nécessaires à la relance de Tech Foundations. »

La cession au milliardaire tchèque était négociée depuis l’automne sous le regard du ministère de l’Économie et de Marc Sénéchal, qui supervisait les négociations. Une assemblée générale extraordinaire aura lieu au plus tard au premier trimestre 2024 afin d’autoriser l’opération.

Rationalisation du portefeuille clients

Pour rendre son actif, qui réalise 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie 52.000 personnes dans le monde (dont 6000 en France), plus attractif, Atos a procédé ces derniers mois à une rationalisation de son portefeuille clients, en identifiant notamment les contrats à perte. L’accord prévoit qu’Atos, conseillé par les banques d’affaires JPMorgan, Perella Weinberg et Rothschild et par le cabinet d’avocats Darrois, transfère 1,9 milliard d’euros de dettes à EP Equity Investment, dont des crédits de leasing et des provisions pour risques.

Le nouveau propriétaire récupère également pour 7,6 milliards d’euros d’engagements hors bilan, soulageant ainsi les épaules du vendeur. Il devra aussi supporter les frais de restructuration de Tech Foundations, estimés à 800 millions d’euros. S’il le souhaite, il pourra reprendre le nom d’Atos, la marque faisant partie de la transaction.

Daniel Kretinsky, qui n’avait pas de banquier d’affaires mais s’était entouré des avocats de Gide, est réputé pour acheter à bas prix des actifs dont les investisseurs se détournent, mais qui restent susceptibles de sortir du cash pendant un certain temps. Il fait le pari que les activités matures d’infogérance créeront de la valeur, une fois restructurées. Elles seront logées dans un nouveau véhicule d’investissement au sein de son holding EP Equity Investment, qui sera capitalisé à hauteur de 800 millions d’euros.

Un titre revalorisé

« Acquérir Tech Foundations représente une grande opportunité pour nous d’investir dans des infrastructures et des services technologiques européens de premier plan », souligne Daniel Kretinsky, assurant sa confiance à la direction de Tech Foundations, à commencer par son patron, Nourdine Bihmane.

Cette cession donnera une véritable bouffée d’oxygène à l’ex-fleuron tricolore, fondé en 1997. Ses finances s’étaient fortement dégradées ces deux dernières années (le groupe a perdu 4,5 milliards d’euros depuis janvier 2021), au point de soulever des interrogations sur sa solvabilité à moyen terme. L’annonce, le 28 juillet, des résultats semestriels, avait entraîné une chute de 35 % du cours de l’action en deux jours. Le titre a repris des couleurs, mardi, à la Bourse, avec une hausse de 5,5 % en fin de journée pour une valorisation de 951 millions d’euros.

Au cours des prochains mois, Eviden s’attellera au développement de ses activités hautement stratégiques de cybersécurité, de cloud et de supercalculateurs, promis à un plus bel avenir que celles dont il vient de se désengager. Là encore, Daniel Kretinsky sera incontournable : il devrait détenir 7,5 % du capital d’Eviden, en participant à une augmentation de 217,5 millions d’euros. Fimalac, la société d’investissement de Marc Ladreit de Lacharrière, déjà associée à l’homme d’affaires tchèque dans la prise de contrôle de Casino, devrait participer à cette opération.

Plan de cession d’actifs

Des discussions avaient été ­engagées avec Airbus pour que le groupe aéronautique prenne 29,9 % du capital d’Eviden, mais elles ont échoué. Le conseil d’administration du groupe aéronautique, sous pression d’un de ses actionnaires, avait reculé en mars dernier.

Eviden, qui restera cotée à la Bourse de Paris, compte ensuite procéder à une plus grande augmentation de capital de 720 millions d’euros. Cette dernière sera ouverte à tous les actionnaires actuels. Un plan de cession d’actifs, déjà identifiés, à hauteur de 400 millions d’euros, pourrait ensuite être lancé. « Eviden va pouvoir se redéployer », assure un proche de la direction.

Avec un nouveau nom, une nouvelle stratégie, un nouveau périmètre et de nouveaux capitaux, le groupe dirigé par Thierry Breton jusqu’à son départ à la Commission européenne, en 2019, espère retrouver ses heures de gloire passées…

 

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